Athlétisme : A la découverte de Fayssal ATCHIBA, un spécialiste du handisport

Né le 1 janvier 1992 et sept fois champion national, Fayssal ATCHIBA est un visage incontournable du handisport béninois. Dans cet entretien exclusif avec Victorin Turibio ATIKA, il se confie sur les sources de motivation derrière son parcours exceptionnel.

Bonjour Monsieur, présentez-vous s’il vous plaît !

Bonjour, je m’appelle Fayssal ATCHIBA. Je suis athlète paralympique du Bénin, merci.

Depuis quand avez-vous commencé l’athlétisme et quelle est l’histoire derrière ce choix ?

Merci pour cette belle question. J’ai commencé ma carrière en tant qu’athlète paralympique en 2017, au cours de la détection des talents organisée par le comité national olympique. Cet événement a marqué ma première participation à une compétition paralympique. J’ai réalisé, au cours de cette compétition, une performance extraordinaire. Extraordinaire en ce sens que, étant nouveau dans le domaine, j’ai su rivaliser avec le champion en titre, ce qui a plu aux responsables. Du coup, à la fin de ma course, un encadreur sportif s’est rapproché de moi et m’a convaincu de faire carrière dans le handisport. C’est là que tout a démarré. Un jour, pendant que je m’entraînais, il y avait un expert du handisport qui s’est rapproché de moi pour m’inscrire pour le championnat national du handisport, qui devait se passer deux mois après la détection. C’est ainsi que j’ai eu la chance de participer à ce championnat, où j’ai terminé 2ᵉ. Grâce à cette performance, j’ai gagné le cœur des dirigeants de ma fédération, qui m’ont fait confiance et m’ont inscrit sur la liste des athlètes qui allaient participer, trois mois après ce championnat, en Côte d’Ivoire, aux Jeux de la Francophonie. Sur les plus de 100 athlètes présents à ces Jeux de la Francophonie, je faisais partie des trois meilleurs qui ont été médaillés. Ce travail bien accompli m’a relancé et a créé plus de confiance auprès des dirigeants, qui me donnent chaque fois la chance d’aller représenter le Bénin aux compétitions internationales.

Alors, avez-vous commencé le sport par le para-athlétisme ou bien il y a eu d’autres disciplines avant le para-athlétisme ?

Je dirais que l’athlétisme n’était pas mon sport phare. Mon premier sport, c’était le football, et c’était le sport que j’aimais le plus quand j’étais enfant. À 12 ans, dès que ma plaie s’est cicatrisée après mon opération suite à un accident, je me suis lancé dans le football avec les personnes valides. J’appartenais à un club où j’étais à l’époque le meilleur buteur, le meilleur joueur, et grâce à moi, on remportait des trophées à chaque tournoi. J’étais donc le joueur que la plupart des clubs adverses craignaient à l’époque. C’est lorsque j’ai rejoint la ville de Cotonou que cette passion pour le football s’est mise de côté, parce que, dans le quartier où je vivais, on n’acceptait pas que je joue avec eux. Ils sous-estimaient mon talent de footballeur, vu que je suis une personne à mobilité réduite. De ce fait, ils me mettaient de côté pour que je ne joue pas. Cette passion est tombée à l’eau, donc, et je me suis alors dit qu’il fallait que je trouve un coin idéal. C’est là que je me suis lancé à la recherche de sports pour handicapés.

À part le sport, que fait d’autres Fayssal ATCHIBA ?

J’ai fait une formation en communication commerciale et aussi en droit après mon bac. Du coup, j’ai réfléchi à la situation que nous, les personnes handicapées, traversons à cause du manque d’accès à l’emploi, et je me suis dit qu’il ne fallait pas que j’attende ni que je perde du temps. Je me suis alors lancé dans l’entrepreneuriat, spécialement dans la vente des produits vivriers, et c’est dans ce domaine que je suis actuellement.

Dites-moi, Monsieur Fayssal, qu’est-ce que cela fait d’être un athlète de haut niveau malgré son handicap ?

Selon moi, être une personne handicapée pratiquant le sport est un symbole de résilience, de détermination et de courage. Parce qu’étant d’abord handicapé, on est limité physiquement et psychologiquement. Ces limites rendent l’atteinte d’un niveau élevé dans le sport encore plus significative. C’est vraiment un symbole de courage et de détermination qui permet d’y parvenir.

Comment arrivez-vous à gérer le sport et votre vie professionnelle ?

Ce n’est pas facile pour moi de faire du sport de haut niveau tout en ayant une autre activité en parallèle, mais tout cela fait partie d’une bonne organisation. Je m’organise selon mon programme d’entraînement et je répartis mes activités en fonction de mes disponibilités et de mes objectifs sportifs.

Comment vous entraînez-vous ?

Mon temps d’entraînement varie selon l’objectif que je me fixe pour une saison. Par exemple, si dans une saison nous avons des compétitions en vue et que ces compétitions sont de grande envergure, je m’entraîne six fois par semaine, avec une séance par jour de 9h à 11h. Les lieux d’entraînement sont également répartis en fonction des besoins.

Fayssal ATCHIBA a participé à plusieurs compétitions. Dites-nous laquelle de ces compétitions vous a le plus marqué et comment cela s’est passé ?

Merci pour cette question. C’est vrai que j’ai eu l’honneur de représenter le Bénin à plusieurs compétitions internationales, mais celle qui m’a le plus marqué est la compétition de Tunis en 2019. Lors de cette compétition, j’ai eu un problème à la cheville deux jours avant ma participation, suite à un entraînement. Ce problème a failli me coûter la perte de mes médailles, mais j’ai lutté contre cette douleur, car pour moi, il était impensable de me déplacer sans concourir. J’ai fait l’effort de traiter ce problème en une ou deux journées avec de la glace et quelques massages que je faisais moi-même, sans assistance médicale. Grâce à cela, j’ai pu avoir un soulagement avant le jour de la compétition, ce qui m’a permis de concourir et de remporter deux médailles : une en argent et une en bronze. Après la compétition, le problème s’est aggravé, et je ne pouvais plus supporter la douleur et c’est resté ainsi jusqu’à ce qu’on ne retourne au pays. Ce qui m’a le plus marqué, c’est qu’à mon retour au pays, je n’ai reçu aucun soutien, ni de la Fédération, ni de personne, malgré le fait que j’étais le seul athlète de la délégation à avoir remporté des médailles. J’ai dû traiter ce problème tout seul. Cela m’a marqué et je ne l’oublierai jamais.

Qui vous incite le plus ? Qui est votre modèle ?

Merci pour cette question. C’est vrai que pour un sportif, il y a toujours une personne qu’on vise ou qu’on admire. Mais en vérité, pour moi, c’est mon passé qui m’inspire. Ma détermination vient du fait que je pense à qui je suis et d’où je viens. Cela me pousse à travailler encore plus pour aller plus loin. Je me dis que le jour où je reculerai, je retournerai dans ma misère, et rien que de penser à cela, j’ai peur de reculer. Ceci me pousse donc à surpasser mes limites et à travailler encore plus. Mon passé est donc ma principale source d’inspiration.

Quelle a été la pire performance de Fayssal ?

Merci pour cette question. C’est vrai que, pour tous les athlètes de haut niveau, l’objectif est d’améliorer leurs performances. Moi, je m’étais fixé comme objectif, pour les Jeux paralympiques de Paris 2024, de descendre en dessous de 11 secondes. J’avais la possibilité de le faire, et même de descendre à 10 secondes, mais, en raison des aléas climatiques, le jour de la compétition, il pleuvait et faisait froid. Ces conditions climatiques influencent les performances des athlètes. En plus de cela, dans ma série, il y a eu trois signalements de faux départ. Tous ces facteurs ont joué contre moi, et au lieu de réaliser une performance de 10 secondes, comme j’avais l’habitude de le faire à l’entraînement, j’ai réalisé un temps de 11 secondes. Même si cela représentait ma meilleure performance de la saison et le record national, je n’étais pas satisfait, car mon objectif était de descendre en dessous de 11 secondes. Cela m’a cependant permis de me fixer de nouveaux objectifs pour les prochaines saisons.

Donc cela voudrait dire que cette performance aux Jeux paralympiques de 2024 est pour vous votre pire performance ?

Ce n’est pas ma pire performance, seulement, je n’en suis pas satisfait. Sinon, à chaque compétition, j’essaie d’améliorer mes performances. Je ne peux pas dire que je suis allé à une compétition et que j’ai réalisé une contre-performance. J’améliore toujours mes performances à chaque sortie, mais celle-ci ne m’a pas satisfait compte tenu des préparatifs et de l’objectif que je m’étais fixé.

Fayssal a-t-il des objectifs à court terme à atteindre ?

Oui, j’ai des objectifs sur le plan sportif, mais également dans mon projet lié à l’inclusion des personnes handicapées par le sport. Pour ce qui est de mes objectifs à court terme par rapport à ma carrière, le programme des compétitions internationales est déjà lancé, et si tout va bien, nous allons bientôt y participer dans le but de chercher les qualifications pour les Jeux paralympiques de Los Angeles 2028. Mon objectif est de me mettre à fond pour réaliser les minima avant de viser la participation aux Jeux de 2028.
En ce qui concerne mon projet lié à la sensibilisation des personnes sur la pratique du sport pour les handicapés et la valorisation de ces derniers par le sport, mon objectif est d’atteindre mes cibles pour que ces dernières puissent devenir des ambassadeurs dans leurs différents milieux. Ils pourront ainsi sensibiliser et motiver d’autres personnes qui, jusqu’à présent, ne croient pas au potentiel des personnes à mobilité réduite. Mon objectif est de changer les mentalités et le regard porté sur les personnes handicapées.

Quand vous regardez votre parcours et votre niveau actuel, que voyez-vous accomplir dans 5 ou 10 ans ? Seriez-vous toujours athlète ?

Je suis encore très jeune pour accrocher trop tôt. En matière de sport, c’est la volonté, la détermination et la discipline qui comptent, pas l’âge. Tant que j’aurai ce désir et cette volonté, je continuerai. J’arrêterai quand le temps en décidera.

Donc on peut espérer voir Fayçal Atiba sur la piste dans 5 ou 10 ans ?

Oui, bien sûr, je continuerai toujours à concourir dans 5 ans, et pourquoi pas dans 10 ans.

Ce serait un plaisir pour le public sportif béninois de pouvoir compter sur votre talent. Alors, dites-moi, qu’est-ce qui fait de vous un grand sportif ? Est-ce seulement votre détermination ?

Ce qui fait de moi un athlète de haut niveau, c’est ma volonté de briser les barrières pour atteindre l’excellence. Ma détermination, mon engagement et ma capacité à rivaliser ou à battre des records sont ce qui me définissent en tant qu’athlète.

Quand vous parliez de votre blessure à Tunis, vous aviez dit que le ministère et la Fédération ne vous avaient pas apporté d’aide. Est-ce que cela signifie que vous ne recevez pas d’aide du tout ou bien que ces aides ne sont pas à la hauteur de ce que vous dépensez vous-même ?

Je ne reçois aucune aide pour mes entraînements, ni de la Fédération, ni du ministère. Je finance tout de mes propres frais.

Donc, pour vos entraînements, vous ne recevez aucun soutien. Mais comment se fait-il qu’ils viennent vous chercher pour représenter la nation lors des compétitions ?

Ils viennent me chercher parce que je suis éligible et parce qu’ils comptent sur moi pour gagner des médailles, mais pas plus que cela.

Et donc, au retour des compétitions, en cas de bonne performance, recevez-vous des primes ?

Non ! Quelle prime ? La seule récompense vient du ministère lorsqu’il organise le gala des champions pour récompenser les médailles remportées aux compétitions internationales. Sinon, lorsque je rentre d’une compétition avec des médailles, il n’y a aucune reconnaissance immédiate.

Alors, nous sommes tous des humains, et tout homme, aussi fort soit-il, a ses faiblesses. Dites-nous, quelle est votre faiblesse et que faites-vous pour la corriger ?

Ma faiblesse, c’est que, lorsque j’ai de l’amour pour quelque chose, je deviens très vulnérable, et les gens abusent de moi.

Selon vous, quel est le plus grand défi auquel la plupart des sportifs en général, et ceux en situation de handicap en particulier, sont confrontés aujourd’hui ?

Le principal problème auquel les athlètes sont confrontés est le manque de soutien et de sponsoring. C’est le véritable problème de tous les athlètes au Bénin.

Quelles sont les cinq principales priorités actuelles de Fayssal ATCHIBA ?

Selon mes priorités, je dirais d’abord la Famille, ensuite le Sport, puis mes Activités Professionnelles. Après cela viennent le Plaisir et les balades, et enfin, la Lecture.

Aujourd’hui, on constate que beaucoup de personnes handicapées n’aiment pas s’intégrer dans la société. Vous, en tant que personne handicapée et grande personnalité du sport béninois, quel conseil pouvez-vous leur donner ?

Merci pour cette question. Selon moi, le manque de sensibilisation et la problématique de stigmatisation culturelle sont les principaux facteurs qui poussent les personnes en situation de handicap à se retirer de la société. Pour cela, il faut miser davantage sur la sensibilisation en mettant en avant les athlètes qui ont déjà prouvé qu’ils pouvaient exceller dans le sport et qui ont des témoignages capables d’impacter et de motiver les autres à s’intéresser au sport. En toute chose, ce qui attire le plus, c’est l’image. Si vous vous présentez devant une personne en situation de handicap sans lui montrer les résultats concrets de ce que vous dites, elle ne sera pas motivée à vous écouter. De plus, ses proches ne seront pas non plus prêts à investir dans ses efforts, car les handicapés sont souvent perçus comme des personnes nécessitant une assistance constante. Pour changer cette tendance, il faut prouver que cette personne peut réussir et respecter les engagements pris envers elle. Sinon, cela décourage encore davantage. Il est donc crucial de créer des références dans le sport qui attireront d’autres personnes en situation de handicap.

Mais ce que vous dites là concerne surtout les autorités, n’est-ce pas ? Et qu’en est-il des personnes handicapées elles-mêmes ? Qu’avez-vous à leur dire ?

À toutes les personnes en situation de handicap, je dirais que le sport est un moyen d’inclusion sociale, mais aussi un moyen de rendre notre handicap moins vulnérable. Toute personne est appelée à faire du sport pour son bien-être et son épanouissement. Pourquoi pas nous ? Nous pouvons tous le faire. Si les autres le font, nous ne sommes pas exclus. Quel que soit ton niveau ou ton incapacité physique, le sport est pour toi. Trouve les moyens de le pratiquer. C’est pour ton bien et celui des autres.

Nous arrivons donc à la fin de notre entretien. Quel message avez-vous à adresser au public béninois, aux personnes handicapées et aux acteurs du sport béninois ?

Merci pour cette interview. Je voudrais profiter de cette occasion pour lancer un appel aux personnes en situation de handicap : le sport est pour nous tous. Le sport est un moyen d’inclusion, d’épanouissement et de valorisation. Il ne faut plus se cacher. On doit s’impliquer, car c’est notre implication qui nous valorise. Nous devons agir comme les autres, sans avoir honte de notre handicap. Nous avons du potentiel, nous sommes des personnes à part entière, et nous ne devons pas nous auto-exclure du public, même si nous sommes parfois marginalisés et discriminés. Ces situations affectent notre mentalité, mais nous devons intégrer la société et être présents là où se trouvent les autres.
Aux autorités, je demande de travailler à créer des références parmi les personnes en situation de handicap dans le milieu sportif. Ces références attireront d’autres personnes et les motiveront à s’intéresser au sport. Sans références, il est difficile d’inspirer et de motiver.

Merci beaucoup, monsieur Fayssal ATCHIBA, pour le temps accordé. Je rappelle que vous êtes un athlète paralympique béninois, plusieurs fois champion national. Vous avez représenté le Bénin aux Jeux paralympiques de Tokyo en 2020 et récemment aux Jeux de Paris 2024. Je vous souhaite plein de succès et que l’exploit continue.

Merci beaucoup !

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